Tome XIII (Mémoires 2000)

TABLE DES MATIÈRES

La Touraine dans le monde des lettres au XXe siècle

     par Marcel Girard

Richesse artistique de la Touraine au XXe siècle. Peintres, sculpteurs, architectes, céramistes, maîtres verriers, lissiers

     par Jean-Bernard Sandler

Un siècle de musique en Touraine

     J.-M. Pacqueteau

La Science en Touraine au XXe siècle. Historique de la création de la Faculté des Sciences et Techniques de Tours 

     par Marie-Claude Viguier-Martinez

Un siècle de vie universitaire en Touraine

     par Jasques Body

Un siècle de géographie tourangelle

     par Yves Babonaux

Un siècle de recherches archéologiques en Touraine

     par Jean-Mary Couderc

La Santé en Touraine au XXe siècle

     par Emile Aron

La Mutualité Tourangelle et l’accès aux soins

     par Jean-Luc Souchet

 

LA TOURAINE DANS LE MONDE DES LETTRES AU XXe SIÈCLE

Marcel GIRARD

   Le siècle avait démarré en fanfare! Au lendemain de la guerre de 1914, trois étoiles de première grandeur brillaient au firmament de la Touraine littéraire : Anatole France, René Boylesve, Georges Courteline. L’Académie Française, l’Académie Concourt, le prix Nobel avaient couronné ces enfants du pays, et leur gloire rejaillissait sur tous les Tourangeaux.

    L’un d’eux, pourtant, n’en était pas originaire. Anatole France ne s’est implanté chez nous qu’à l’âge de 70 ans, quand la quasi-totalité de son œuvre avait été écrite. Né à Paris en 1844, ce n’est qu’en 1914 que, militant pacifiste, il a loué pour des raisons de sécurité, puis acheté la Béchellerie. Il y est mort en 1924, n’y ayant donc vécu, en tout et pour tout, que les dix dernières années de sa vieillesse. C’est peu, mais c’est assez pour que les Tourangeaux l’aient revendiqué — et le revendiquent toujours — comme un monument de leur patrimoine régional.

    A vrai dire, il s’agissait un peu, pour Anatole France, d’un retour aux sources familiales. Son père, François-Noël Thibault, n’était-il pas né à Luigné, en Anjou, sur les coteaux du Layon? Et puis, son esprit clair, son style pur, sa philosophie souriante s’accordaient assez bien avec le Val de Loire et le génie de ses habitants. Pendant ces dix années, il a composé le Petit Pierre et la Vie en fleur, souvenirs à peine déguisés de…

RICHESSE ARTISTIQUE DE LA TOURAINE AU XXe SIÈCLE.

PEINTRES, SCULPTEURS, ARCHITECTES, CÉRAMISTES, MAÎTRES VERRIERS, LISSIERS…

Jean-Bernard SANDLER

   De plusieurs milliers de créateurs en Touraine au XXe siècle, on a conservé près de deux cents noms. Ce choix, qui peut paraître pléthorique, ne donne qu’un faible aperçu des ressources artistiques de la Touraine. Puisse cet inventaire faire prendre conscience des richesses que nous possédons, inciter à rechercher celles-ci et à les mettre en valeur, car rien ne saurait en cette matière remplacer la nécessité du contact direct avec les œuvres !

   On pourra parfois s’étonner du peu de place accordée à des noms connus, et, a contrario, du développement apporté à des artistes méconnus. L’Histoire de l’Art est ainsi faite de périodes d’oubli et de redécouverte.

   Georges de la Tour a attendu trois siècles pour retrouver la place qui lui était due et qu’il avait de son vivant. On commence à peine, en cette fin de XXe siècle, à s’intéresser à l’art romantique. L’art des animaliers ou l’art africaniste et colonial, jugé totalement obsolète durant les cinquante dernières années, jamais montré, relégué dans les réserves des Musées, refait surface. Mieux, Pierre Rosenberg, Conservateur en chef au Musée du Louvre, dans la somme qu’il a consacrée en 1987 à …

UN SIECLE DE MUSIQUE EN TOURAINE

J.-M. PACQUETEAU

      1ère PARTIE (JUSQU’EN 1960)

   En jetant ce coup d’œil en arrière sur un siècle de musique, nous sommes un peu pris de vertige devant le foisonnement de la fin de notre XXe siècle, devant l’explosion des genres et des pratiques musicales, des technologies de l’audio-visuel et de la communication et des brassages culturels. Sans doute 90%, probablement plus, de la musique que l’on joue ou que l’on écoute aujourd’hui n’existait pas ou n’était pas connue au début du siècle. Jusqu’à l’apparition du disque et de la radio, la connaissance d’une œuvre musicale passait par son exécution en direct, d’où l’importance des sociétés de musique et de la pratique de salon: la découverte du répertoire symphonique ou lyrique se faisait par les transcriptions pour orchestre d’harmonie ou pour piano à quatre mains.

   Notre parcours sur le XXe siècle en Touraine va en réalité commencer au XIXe, en 1870. Les décennies 1870-1890 furent en effet une période où sont nées les grandes structures et les grands mouvements actuels : c’est la naissance des sociétés de musique, c’est la construction du Grand Théâtre de Tours et de plusieurs salles de spectacles, et c’est la création de l’école de musique, qui deviendra notre Conservatoire. Seule manque la création d’un orchestre symphonique, que la ville de Tours devra attendre jusqu’en 1960. Et pourtant, dès 1871 un journaliste, dans l’Union Libérale du 30 septembre, appelait de ses vœux les …

LA SCIENCE EN TOURAINE AU XXe SIÈCLE

HISTORIQUE DE LA CRÉATION DE LA FACULTÉ DES SCIENCES ET TECHNIQUES DE TOURS

Marie-Claude VIGUIER-MARTINEZ

   L’histoire de la création et du développement des formations universitaires scientifiques et des laboratoires de recherche en Touraine nous limite en fait à la deuxième moitié de ce XXe siècle qui se termine. Cependant, il faut rappeler que la vie scientifique existait en fait bien avant les années 1950 dans notre région: pour exemple, je rappellerai seulement les travaux de Henri Dutrochet, médecin et biologiste tourangeau qui dès 1837, a défini la cellule comme étant «l’unité anatomique et physiologique de tous les êtres vivants», et a démontré des lois physiologiques aussi importantes que celle de l’osmose, comme l’a rappelé le Professeur Emile Aron dans un ouvrage récent. Ainsi au XIXe siècle, et pendant la première moitié du XXe siècle, de remarquables travaux scientifiques furent conduits à Tours par de grands médecins. Bretonneau puis Velpeau et Trousseau. L’Ecole de Médecine et de Pharmacie de Tours créée en 1841 par Ordonnance de Louis-Philippe, allait représenter à elle seule, pendant plus d’un siècle, la vie universitaire scientifique en Touraine.

UN SIÈCLE DE VIE UNIVERSITAIRE EN TOURAINE.

Jacques BODY

   Quel siècle ! Je parle du dernier, le vingtième dans la chronologie occidentale. Le développement des connaissances, la révolution des techniques et des modes de production dans l’industrie comme dans l’agriculture, le bouleversement des transports, de l’information, de la médecine, l’automatisation et l’informatisation, le développement du secteur tertiaire et des échanges commerciaux, la concurrence est-ouest, l’exploitation nord-sud, la délocalisation des industries de main- d’œuvre : tous ces phénomènes ont entraîné la prolongation de la scolarité, la «massification» de l’enseignement secondaire et partout dans les pays développés la multiplication du nombre d’étudiants et la démultiplication des universités.

   En France, dans les années soixante, sous l’effet du taux de scolarisation, et comme une amorce de la régionalisation à venir, les vieilles institutions, académies et facultés, éclatent. Le nombre des académies triple, une tentative de déconcentration amène la création, autour des facultés parisiennes, d’une petite couronne, Orsay et Nanterre, et d’une grande couronne, Rouen, Amiens, Reims, Orléans et Tours.

   Conclusion : le phénomène historique, le grand bouleversement digne d’étude est national sinon international. La vie universitaire en Touraine et la naissance de l’université François-Rabelais ne forment pas un objet d’histoire, entendons : «digne de rester dans la mémoire des hommes» (Thucydide). Fin de l’histoire. Exit l’historien.    Faute d’avoir pu jouer le rôle de l’historien (amateur), il nous reste le loisir de jouer celui du philosophe, du chroniqueur, et d’abord, disons…

UN SIÈCLE DE GEOGRAPHIE TOURANGELLE

Yves BABONAUX

   «Un siècle de géographie tourangelle». Des mots tout simples. Mais très lourds de sens. Un siècle est loin d’être seulement le suivi arithmétique de cent années, il est surtout le bilan d’une succession d’événements plus ou moins imprévus, politiques, techniques, économiques, sociaux. Aucun siècle ne s’est jamais terminé comme il avait commencé. Un siècle de géographie. Le mot couvre au sol un espace guère plus saisissable que le temps, fait des mille composantes du milieu naturel, des comportements humains, des impératifs économiques, de notre vie de tous les jours. Le géographe Albert Demangeon disait, avec beaucoup d’à-propos, que la ménagère qui fait son marché commence à faire de la géographie. Une géographie tourangelle. Comment notre province, qui a séduit tant de poètes, d’artistes, de politiques, d’esprits érudits, pourrait-elle laisser indifférents ceux qui sont, ceux qui font, son présent? Notre siècle de géographie, issu de l’Histoire au siècle dernier, semble d’autant plus intéressant à juger qu’il est le premier à avoir donné à notre discipline la personnalité qu’on lui connaît, et d’autant plus sympathique à considérer qu’il est plus jeune…

UN SIÈCLE DE RECHERCHES ARCHÉOLOGIQUES EN TOURAINE

Jean-Mary COUDERC

INTRODUCTION

   La Touraine est une région anciennement et densément occupée, au patrimoine archéologique et historique très riche, mais où l’on ne se préoccupa que tardivement des problèmes d’étude et de conservation.

   Malgré ses richesses préhistoriques par exemple, la province est restée longtemps au stade de la collection et du commerce des objets, et il y a peu de temps que l’étude scientifique des gisements et du matériel a redémarré.

1 – SUCCÈS ET LANGUEUR DE L’ARCHÉOLOGIE PRÉHISTORIQUE.

A. Un essor considérable jusqu’en 1914.

   1) La région du Grand-Pressigny

   A la fin du XIXe siècle, elle est surtout connue pour la richesse de ses ateliers néolithiques. Les études sur le bassin de la Claise se poursuivent jusqu’à la guerre de 1914, Le Grand-Pressigny est alors une capitale européenne de la préhistoire. Les qualités de son silex blond et son débitage particulier en «livres de beurre» avaient permis de produire des grandes lames comme celles du dépôt des Ayez (1883) et l’on constate désormais que certaines ont été exportées. Au Congrès d’Archéologie et d’Archéologie Préhistorique de Paris de 1900, une communication de …

LA SANTÉ EN TOURAINE AU XXe SIÈCLE

Emile ARON

   Le 10 décembre 1901, la Société Médicale d’Indre-et-Loire célébra son centenaire. La séance se déroula dans la Salle du Manège, où tint ses assises, en décembre 1920, le Congrès de Tours qui vit la naissance du Parti Communiste Français.

   Sous la présidence du Docteur Eugène Héron, les exposés firent principalement l’éloge de Pierre-Fidèle Bretonneau «dont la flamme, partie de Touraine, illumina la science médicale toute entière». Dans son compte-rendu, la Gazette médicale du Centresouligna que «La Médeci- ne tourangelle fut le berceau de la doctrine féconde du germe spécifique qui a posé les bases de la Médecine contemporaine». En 1887, un monument avait été érigé à la gloire de la médecine tourangelle sur la place de l’Archevêché, devenue place François-Sicard en hommage au sculpteur tourangeau auteur de cette œuvre, avec la collaboration de Victor Laloux. Mais elle était en bronze et fut livrée aux Allemands en 1944. La stèle en pierre resta sur place avec les effigies de Bretonneau et de ses deux illustres disciples, Velpeau et Trousseau. Récupérées, elles ornent une façade de la Faculté de Médecine.

   La gloire de Bretonneau fut posthume. En septembre 1847 (il mourut en 1862), le Congrès scientifique de France siégea à Tours et son nom ne figura pas. Parlant du croup, Saturnin Thomas, Président de la Société Médicale, n’évoqua même pas la contribution décisive de son Maître à la connaissance de cette complication redoutable de la diphtérie, mais souligna ses insuccès lors de ses premières trachéotomies ! Son…

LA MUTUALITÉ TOURANGELLE ET L’ACCÈS AUX SOINS

Jean-Luc SOUCHET

   En 1784, la langue française se dote d’un nouveau concept. Né des influences caritatives, corporatistes, compagnonniques et philanthropiques, il ajoute en 1784 à une forme adjective, «mutuel», employée depuis 1329 pour indiquer une qualité de réciprocité, une forme substantive : «mutualité».

   Si les pratiques et les valeurs mutualistes sont vieilles comme l’histoire de l’homme, démocratiques, solidaires, bénévoles, ce nouveau terme en désigne un sens spécialisé constituant un projet autonome et proniant l’organisation d’un mouvement, «forme de prévoyance volontaire par laquelle les membres d’un groupe, moyennant le seul paiement d’une cotisation, s’assurent réciproquement contre certains risques (maladies, blessures, infirmités, chômage) ou se promettent certaines prestations».

   Progressivement, cet effort se spécialise sur l’ouverture de l’accès à des soins de qualité pour le plus grand nombre. Cet objectif va passer par l’apprentissage de nouvelles relations avec les praticiens, la réponse à des besoins sanitaires et sociaux peu ou mal pourvus, la participation active avec l’État et les partenaires sociaux à la construction d’un système de protection sociale universel…