Tome XIV (Mémoires 2001)

TABLE DES MATIERES


IN MEMORIAM LÉOPOLD SEDAR SENGHOR(1906-2001)
par Jacqueline DELPY

IN MEMORIAM À PHILIPPE DUBREUIL-CHAMBARDEL (1922-2001)
 par Emile ARON

IN MEMORIAM GASTON HUET 1910-2002
    par  Marcel GIRARD

LA CONSERVATION ET LA PROTECTION DU PATRIMOINE TOURANGEAU AU XXe SIÈCLE
    par  Jean-Mary COUDERC

VICTOR HUGO EN VAL DE LOIRE
    par Marcel GIRARD

INAUGURATION DU MONUMENT À LA MEMOIRE D’HONORÉ DE BALZAC
    Tours, mercredi 16 mai 2001
par  Emile ARON

LA PHARMACIE AU TEMPS DE BALZAC
    par Odette FOUSSARD-BLANPIN

BALZAC EN SES CHATEAUX
    par Gérard DELAISEMENT

L’ADMINISTRATION VUE PAR BALZAC
    par Ménie GRÉGOIRE

RABELAIS MEDECIN DES ÂMES
    par Jack VIVIER

ALAIN-FOURNIER ET LA TOURAINE
    par Jean-Mary COUDERC

LE RAYONNEMENT DE L’OEUVRE DE VALÉRY DANS LE MONDE ACTUEL
    par Jean HAINAUT

LES CARTULAIRES TOURANGEAUX
    UNE MINE DE RENSEIGNEMENTS SUR LA VIE QUOTIDIENNE AU MOYEN ÂGE
par Pierre AUDIN

LA POUDRERIE DU RIPAULT
    par Jean GUERAUD

RENAISSANCE EN TOURAINE
    DE LA LOIRE MARCHANDE A CELLE DE LA PLAISANCE
par Yves BABONAUX

L’IMPLANTATION D’UNE FAMILLE POLONAISE EN TOURAINE
    par Line SKORKA

LES HÔTES DE TALLEYRAND À VALENCAY
    par André BEAU

UN ILLUSTRE ENFANT DE MONTRESOR : MOREAU DE TOURS
    par Emile ARON

LA RESISTANCE FRANCO-ANGLAISE EN TOURAINE, EN FRANCE
    par Maurice BRAUN

IN MEMORIAM LÉOPOLD SEDAR SENGHOR (1906-2001)

Léopold Sedar Senghor honorait l’Académie de Touraine, dont il avait fait partie en qualité de non résidant, il n’avait pas oublié ses trois années tourangelles (1936-1939) qui avaient vu naître ses premières oeuvres poétiques. René Fillet a retracé largement l’histoire de ce fructueux séjour dans le tome XIX des Mémoires de l’Académie. Au lendemain de sa mort, nous ne pouvons faire mieux que de publier la communication, le 12 janvier 2001, de Jacqueline Delpy, membre de notre Académie, poète elle-même et présidente de l’Association Art et Poésie de Touraine, lauréate de l’Académie française dont Senghor était membre. On y entend la voix du grand poète français de la négritude.(M. G.)

 

LÉOPOLD SEDAR SENGHOR: À TRAVERS QUELQUES LETTRES L’HOMME ET SA POÉSIE.

 Jacqueline DELPY

A la rentrée scolaire de 1935, la Touraine, carrefour des Belles Lettres et de la Poésie, accueillait, sortant tout frais de son service militaire, un jeune professeur noir chargé du Français-Latin en classe de 6ème A au Lycée Descartes de Tours: Léopold Sedar Senghor.
Cette année-là, en 1935, il y eut de grandes manifestations pour le tricentenaire de la présence française en Martinique et en Guadeloupe.
Du côté Progrès, bien loin d’imaginer le téléphone portable, on inaugurait 9 cabines téléphoniques dans le métro parisien.
C’était aussi le premier concours d’élégance automobile dans la capitale.
Enfin, Irène et Frédéric Joliot-Curie recevaient le Prix Nobel de chimie et une chanson était sur toutes les lèvres: «Tout va très bien, Madame la marquise… »…

 

IN MEMORIAM À PHILIPPE DUBREUIL-CHAMBARDEL (1922-2001)

Emile ARON

La création de l’Académie de Touraine est due à Philippe Dubreuil-Chambardel. A l’automne 1987, il est venu me proposer d’en assurer la Présidence et il en devint le Secrétaire Général, il a quitté ce monde le 21juin 2001, à l’âge de 79 ans.
Lorsqu’on se penche sur une vie, on se rapporte à la question posée par Paul Valéry à Monsieur Teste: «Que peut un homme ?». Le bilan du parcours de Philippe Dubreuil-Chambardel nous fournit une réponse éloquente.
Tout être hérite de ses ancêtres. En diverses publications, Philippe a tracé l’histoire de sa famille paternelle, originaire du Poitou depuis cinq siècles, mettant en exergue la personnalité de Pierre-Jacques Dubreuil-Chambardel, député des Deux-Sèvres à la Législative et à la Convention.
Il a consacré deux ouvrages à la mémoire de son père, Louis Dubreuil-Chambardel qui fut un maître illustre de l’Ecole de Médecine de Tours, décédé prématurément en 1927 alors que son fils n’avait que cinq ans. il a également édité les chroniques que son père, d’une plume alerte et érudite, écrivit de 1920 à 1927 pour la Touraine Républicaine, sous le pseudonyme du Docteur Raoul Lecler.
Après avoir obtenu sa licence ès Lettres, Philippe fit ses études de Droit et devint un brillant avocat du barreau de Tours, il publia en 1994…

 

IN MEMORIAM GASTON HUET 1910-2002

 Marcel GIRARD

Gaston Huet représentait à lui seul, au sein de notre Académie, le volet «Agriculture». En l’appelant à siéger dans nos rangs, nous n’ avions pas oublié que notre Compagnie avait pour origine la Société royale d’agriculture de la Généralité de Tours, fondée par arrêté du Conseil du roi le 24 février 1761, — la plus ancienne de France, — et que même après 1806, quand elle a pris le caractère d’une véritable académie polyvalente, l’agriculture a continué de figurer dans sa raison d’être, précédant la mention des Lettres, des Sciences et des Arts. L’un de ses présidents ne fut-il pas Charles Vavasseur, prestigieux viticulteur et maire de Vouvray entre les deux guerres? Nous devions à la viticulture, cette mamelle de notre région, d’être honorée par notre Académie en la personne de Gaston Huet, le plus éminent de nos maîtres vignerons.

Il incarnait la fine fleur de sa profession. Pourtant, dans ses jeunes années, rien ne semblait l’y prédestiner. Né dans le Massif Central où il passa son enfance, il s’orientait vers une carrière d’ingénieur agronome, quand ses parents acquirent par hasard, sur un coup de foudre, séduits par la beauté du site, l’ancienne et très séduisante demeure du Haut Lieu, au-dessus des coteaux de Vouvray. Gaston Huet abandonna la préparation des concours et se mit au service de ce qui allait devenir une brillante exploitation familiale. Dès lors toute son existence s’est concentrée sur la production d’un vin que sa science, son intelligence,…

 

LA CONSERVATION ET LA PROTECTION DU PATRIMOINE TOURANGEAU AU XXe SIÈCLE

 Jean-Mary COUDERC

 La protection du patrimoine est la grande affaire de la fin du XXe siècle, puisqu’à la conservation du patrimoine bâti s’ajoute la protection du patrimoine mobilier, puis celle du patrimoine naturel et du petit patrimoine. Le patrimoine local est très riche et c’est peut-être pour cette raison qu’il a longtemps été négligé ou ignoré.

LE GRAND PATRIMOINE A ÉTÉ PENDANT LONGTEMPS LE SEUL CONSIDÉRÉ.

 À)  Rappel sur la naissance des protections officielles.

C’est en 1837 que fut créée la Commission des Monuments Historiques chargée de classer les monuments et de faire inscrire les crédits nécessaires à leur restauration. La loi de 1913 a créé un Inventaire supplémentaire ainsi que la procédure «d’instance de classement»; celle du 2 mai 1930 a permis le classement des sites et leur inscription à l’Inventaire supplémentaire des sites d’où le nom des «Commissions des Sites, Perspectives et Paysages». La protection des abords de sites classés (500 m) a été décidée en 1943. La conservation des objets, meubles ou immeubles par destination est l’affaire de la Commission…

 

VICTOR HUGO EN VAL DE LOIRE

Marcel GIRARD

 L’Académie de Touraine s‘associe à la célébration du deuxième centenaire de la naissance de Victor Hugo

Victor Hugo n’a guère apprécié les charmes du Val de Loire, c’est le moins qu’on puisse dire. «On a beaucoup trop vanté la Loire et la Touraine, a-t-il écrit. La Seine est beaucoup plus belle que la Loire la Normandie est un bien plus beau jardin que la Touraine». «La douairière des rivières»- c’est le titre dont il l’affuble – l’a déçu. Même si quelques sites entrevus ont trouvé grâce devant ses yeux, le génie hugolien n’a jamais manifesté d’affinités réelles avec la nature tourangelle.
Hugo a parcouru plusieurs fois cette région. Quoique généralement très brefs, ses séjours n’ont pas été tout à fait stériles. Le premier surtout, qu’il nous faudra relater plus longuement, car il a laissé des traces dans son oeuvre lyrique et dans son oeuvre dramatique. Rien de ce qui est tombé de la plume du grand homme ne peut nous laisser indifférent. Qu’il soit positif ou négatif, il faut tenter de dresser le bilan de ces rencontres.

En 1825 —il a 23 ans — Hugo découvre la ville de Blois. C’est un tournant dans sa jeune existence. Les circonstances en sont révélées par…

INAUGURATION DU MONUMENT À LA MEMOIRE D’HONORÉ DE BALZAC

Tours, mercredi 16 mai 2001

 Emile ARON

Le 4 septembre 1885, le Conseil municipal de Tours approuva l’initiative de son Maire, le Docteur Fournier, d’élever, trente-cinq années après sa mort, une statue à Balzac dans sa ville natale. Le Maire rappela la péroraison du discours prononcé par Victor Hugo lors des obsèques de Balzac: «Voilà ce qu’il a fait parmi nous, voilà l’oeuvre qu’il nous laisse, oeuvre haute, solide, robuste entassement d’assises de granit, oeuvre du haut de laquelle resplendira désormais sa renommée. Les grands hommes font leur propre piédestal l’avenir se charge de la statue»..

La réalisation de cette prophétie hugolienne donna bien des soucis à l’administration municipale. La souscription nationale ouverte ne suscita pas la générosité des villes, des sociétés littéraires et des écrivains. Par un sort malicieux, les soucis d’argent qui avaient accablé Balzac sa vie durant, s’acharnèrent sur le projet de sa statue. Bien que deux jeunes et talentueux élèves de l’école des Beaux-arts de la ville, Roulleau et Sicard, aient aussitôt proposé leur concours, il fut décidé qu’un appel serait fait à tous les sculpteurs français pour que le monument «soit une oeuvre remarquable et digne de notre illustre compatriote».

La commission compétente attribua la palme de ce concours au sculpteur parisien Paul Fournier, qui n’avait qu’un lien homonymique…

 

LA PHARMACIE AU TEMPS DE BALZAC

Odette FOUSSARD-BLANPIN

 (Texte d’une communication faite le 15 octobre 1999)

«Science des remèdes et des médicaments», pour Ambroise Paré, la Pharmacie était considérée en 1913 par le Directeur de l’Ecole supérieure de Pharmacie de Paris comme «une collection de sciences, un art et une profession». En s’interpénétrant, ces trois secteurs d’activité ont fait évoluer l’art de guérir, et ce, particulièrement au XIXe siècle, période charnière au cours de laquelle des remèdes hérités du passé ont coexisté avec de nouveaux médicaments, les uns et les autres délivrés sous des formes ancestrales, parfois améliorées, et/ou sous des présentations plus sophistiquées.

Favorisée par la mise en place de structures garantissant la formation des pharmaciens et l’exercice de leur art, l’évolution pharmaceutique a été l’oeuvre d’une pléiade de savants dont les recherches ont anticipé sur la plupart des découvertes et inventions des temps modernes. Secondés par des hommes de terrain dont l’esprit pratique était aiguisé par le désir d’être utiles, ils mirent leurs connaissances et leur soif d’approfondir toutes choses au service d’une humanité sévèrement menacée par nombre d’affections plus ou moins invalidantes sinon meurtrières…

 

BALZAC EN SES CHATEAUX

Gérard DELAISEMENT

 Je dois d’abord m’excuser auprès de vous du caractère ambigu de ce titre comme si j’allais démarquer le beau livre de mon ami Marcel Girard. Il ne sera certes pas oublié ce livre essentiel situé au coeur de mon propos, mais ces magnifiques demeures tourangelles ne seront qu’une préface — ô combien séduisante — à ces pages découvertes élargies, presque infinies lorsqu’on aborde l’oeuvre balzacienne. Châteaux de Loire bien sûr, et combien de châteaux… en Espagne!

Souvenez-vous, afin de mieux cerner l’immensité du sujet, l’immensité de la tentation «Mon assiette est vide, elle n’est pas dorée, la nappe est terne, les mots insipides. J’ai faim, et rien ne s’offre à mon avidité. Que me faut-il ? Des ortolans, car je n’ai que deux passions, l’amour et la gloire». Qui est donc ce Balzac qui ose claironner si fort ce qu’il est et ce qu’il veut ? Et des déclarations de ce genre, Balzac les multiplie…

 

L’ADMINISTRATION VUE PAR BALZAC

Ménie GRÉGOIRE

 Les Employés de Balzac sont un livre curieusement oublié dans l’oeuvre immense de la Comédie humaine. C’est pourtant un des plus instructifs sur le plan historique et de surcroît un livre prophétique. Bien qu’une grave opération ne m’ait pas permis d’en parler durant l’année de commémoration, il n’est sans doute pas trop tard pour l’ajouter à notre réflexion.

Les employés s’appellent aujourd’hui les fonctionnaires, et les «bureaux» la fonction publique. Les bureaux ont beaucoup grossi, les employés plus encore: toute leur histoire depuis la Révolution est contée dans ce roman et il n’est pas sûr qu’aujourd’hui rien n’ait beaucoup changé.

Ce livre est donc d’abord une description parfaite de l’administration française, presque inchangée dans son esprit, une galerie de portraits à travers toute la «grille», depuis le rond de cuirs jusqu’aux grands directeurs, chevauchant la politique, le pouvoir et les secrets d’Etat. C’est enfin, puisque c’est un roman, un drame humain dont voici les personnages.

Xavier Rabourdin est chef de bureau dans un ministère qui ressemble à notre Bercy. On dirait aujourd’hui quelque chose comme «sous-directeur du Budget». il est de grande allure et assez mystérieux: on le dit fils naturel d’un très grand personnage qui l’a fait élever et protège sa carrière: «Redingote bleue, cravate blanche, vous l’auriez pris pour un Anglais se rendant à son ambassade». il espère et attend de façon imminente la place de directeur, car son supérieur immédiat, le Baron de la Billardière, se meurt…

 

RABELAIS MEDECIN DES ÂMES

Jack VIVIER

 François Rabelais, anatomiste, physiologiste, botaniste? Oui. Que d’études savantes consacrées à l’illustre écrivain médecin, véritable dissection de la personnalité de Maître François à travers son oeuvre

Méconnu peut-être le fait que Rabelais fut médecin des âmes — ce qui constitue ici l’objet de notre étude.

Distinguons d’une part le Rabelais, médecin omnipraticien compatissant au sens latin du mot; d’autre part’ le Rabelais prêtre médecin, médecin prêtre, inspiré de l’esprit évangélique, soucieux d’enseigner une éthique de vie, une conduite morale, afin d’éviter les désordres psychiques engendrés pas la non-observance de la morale.

François Rabelais n’offre pas l’image du médecin de Molière tout de noir vêtu, sentencieux et pédant, suffisant, ténébreux, dont les ordonnances schématiques sont clystères et saignées. Aux yeux de Maître François, le colloque médecin-malade se déroule comme une scène de théâtre.

Dans une missive adressée à Monseigneur Odet de Chastillon, il écrit «De faict, la praticque de médicine bien proprement est par Hippocrates comparée à un combat et farce jouée à trois personnages: le malade, le médecin, la maladie»…

 

ALAIN-FOURNIER ET LA TOURAINE

Jean-Mary COUDERC

 Evoquer les rapports d’Alain-Fournier avec notre province est une gageure et c’est peut-être pourquoi nul ne s’y est aventuré; gageure parce que ce Berrichon découvre la Touraine du 9 au 19 septembre 1908 lors des manoeuvres militaires du Centre en Loir-et-Cher et Indre-et-Loire. Par ailleurs, s’il est passé plusieurs fois à Tours en train, il ne s’y est arrêté qu’une fois, lors d’un voyage en automobile, vraisemblablement dans la nuit du 12 au 13 septembre 1913; le lendemain, il a visité à nouveau la vallée du Cher en gagnant La Chapelle d’Angillon. C’est tout! Mais grâce à sa correspondance, en particulier avec Jacques Rivière d’une part, et avec ses parents d’autre part, nous disposons de textes permettant entre autres choses une comparaison avec la façon dont il perçoit les autres régions qu’il parcourt. Ce qui nous intéresse, c’est Fournier découvreur de l’âme des pays et des régions, et son apport d’observateur sensible traduit en quelques phrases riches. Quelques mots sur la Beauce nous serviront d’exemple, non par goût du paradoxe, mais pour montrer à propos d’une région seulement entrevue comment l’inappréciable talent de l’écrivain complète l’analyse géographique. Il écrit à propos de Bichet, son ami normalien brutalement décédé:…

 

LE RAYONNEMENT DE L’OEUVRE DE VALÉRY DANS LE MONDE ACTUEL

Jean HAINAUT

 Mes remerciements vont à Monsieur le Professeur Aron, Président-fondateur de l’Académie des sciences, arts et belles lettres de Touraine, à Monsieur Billaud, président des Amis de l’Académie, à qui je suis reconnaissant de m’avoir invité et à l’un d’eux, Monsieur le Docteur Boutet, mon ami et ancien condisciple.

En cette belle Touraine où passèrent deux hommes et leur ombre tutélaire pour Valéry, Léonard de Vinci qui vécut au Clos-Lucé l’automne de sa vie et René Descartes sa prime jeunesse au collège des jésuites de La Flèche, nous nous poserons une question, couvrant environ les trente dernières années avec des lacunes, en sachant bien que le rayonnement d’une oeuvre de langage ne s’évalue pas par la mesure comme celui d’une source radioactive, mais par les indices d’une activation secondaire de noyaux de pensée.

En mai 2000, à Sète, dans la ville natale du poète qui écrivit le Cimetière marin, se sont réunis en colloque des lecteurs et des chercheurs venus de toute l’Europe (jusque des bords de la Baltique), des deux rives de l’Atlantique et du Pacifique; ils ont notamment entendu:

–    une interprétation hellénique du Cimetière marin,
–    
une nouvelle traduction du poème en espagnol,
–    
une relation de sa présentation à l’université de Séoul,…

 

LES CARTULAIRES TOURANGEAUX

UNE MINE DE RENSEIGNEMENTS SUR LA VIE QUOTIDIENNE AU MOYEN ÂGE

Pierre AUDIN

 L’historien tourangeau a la chance de pouvoir utiliser 11 cartulaires, recueils des actes de donations faites à l’abbaye par les laïques au cours des siècles et soigneusement conservés par les moines. On y trouve aussi la liste des droits seigneuriaux qui pèsent sur tel village ou sur telle personne, ainsi que les actes des échanges et des achats réalisés par l’abbé. Certains de ces cartulaires débutent dès le IXe siècle, comme celui de Cormery, ou au Xe siècle comme celui de l’abbaye de Noyers, à Nouâtre. D’autres n’ont pas conservé de chartes antérieures au XIIIe siècle, comme le cartulaire de l’Archevêché ou celui de la Chartreuse du Liget, à Chemillé-sur-Indrois. A ces 11 cartulaires il faut ajouter 3 recueils de documents, regroupant des chartes concernant les abbayes de Baugerais à Loché-sur-Indrois, de Turpenay à Saint-Benoît-la-Forêt, de Beaulieu-lès-Loches et de la collégiale N-D. de Loches.

Tous ces documents fourmillent de renseignements sur la vie quotidienne, mais ils sont malheureusement difficiles à utiliser. Ces cartulaires ont été publiés, surtout au cours du XIXe siècle, et pour certains dans les années 80 comme le cartulaire de l’abbaye de Bourgueil (1987), du Liget (1975) ou de Moncé à Limeray (1988). Le cartulaire de l’abbaye de Noyers a même été récemment traduit (1992) par Paul Letort, qui a édité à ses frais ce gros travail de 350 pages. Mais aucun de ces cartulaires n’est complété par un index des objets de la vie …

 

LA POUDRERIE DU RIPAULT

Jean GUERAUD

 Cet établissement militaire situé sur la rivière 1 ‘Indre, à 12 km au sud de Tours, a joué un rôle majeur, tant communal que départemental et surtout national, pour la défense de la France et aussi de ses intérêts.

Pour beaucoup, la poudrerie reste secrète, mystérieuse et dangereuse. Les Tourangeaux ont en mémoire l’explosion de 1943.

Fondée en 1786 sous la Royauté, elle a traversé la Révolution, la Restauration et les Républiques en fidèle serviteur.
Son histoire est faite d’efforts, d’adaptation aux techniques nouvelles avec le sens du devoir, de la camaraderie, où se mêlent les joies, les larmes et le sang.
On peut se poser la question: pourquoi une poudrerie en Touraine et spécialement sur l’Indre dans la Commune de Monts?
Remontons en 1764. Louis XV a l’intention d’établir une fabrique de poudres en Anjou et en Touraine qui étaient deux régions de France où se récoltait le salpêtre, un des constituants de la poudre. Cette matière était raffinée à Saumur. La Généralité (La Touraine) en fournissait 360 T. en 1760.
Le roi souhaite que cette nouvelle poudrerie soit construite sur la Loire, mais les années passent. Les recherches sont-elles poursuivies? On ne sait…

 

RENAISSANCE EN TOURAINE

DE LA LOIRE MARCHANDE A CELLE DE LA PLAISANCE

Yves BABONAUX

 Fleuve tranquille dont aucune de nos générations présentes ne peut mesurer la vraie nature, mais capable de semer la désolation dans ses crises imprévisibles, ses ponts ébranlés de Jargeau à Nantes soi-disant par la sécheresse exceptionnelle de 1976 qui, curieusement, n’ affectait aucun autre bassin, la Loire déconcerte à plus d’un titre. La disparition en moins de dix ans, au milieu du XIXe siècle, d’une batellerie marchande qui avait fait sa fortune pendant deux millénaires n’est pas non plus l’une de ses moindres singularités. C’est à ce thème que s’attache cette réflexion, moins pour retracer son histoire, bien connue, que pour rendre hommage aux efforts, aux initiatives qui, en Touraine, après plus d’un siècle d’abandon et d’oubli, cherchent, sous une forme nouvelle, la plaisance, à la réhabiliter.

– DEUX MILLE ANS DE PROSPÉRITÉ

«Considérant que le principal commerce de notre royaume se fait par la rivière de Loyre» (François 1er); «La Loire fait la majeure partie du commerce de la France» (Louis XIV): comment l’observateur du fleuve nu, désert, ne serait-il pas aujourd’hui confondu? Sans le support iconographique de ceux qui, jusqu’au siècle dernier, ont été les témoins de cette Loire vivante, peintres comme l’Anglais William Turner ou graveurs comme l’Orléanais Charles Pensée, il faudrait faire preuve…

 

L’IMPLANTATION D’UNE FAMILLE POLONAISE EN TOURAINE

Line SKORKA

 Le charmant château de Montrésor, avec son élégant logis seigneurial qui se mire dans les eaux de l’Indrois, est l’oeuvre d’Imbert de Bastarnay, ministre de Louis XI, construite à la place de la forteresse du XIe siècle dont le dispositif défensif avait été renforcé par les sires de Bueil. Mais si les touristes peuvent aujourd’hui encore admirer cet édifice qui donne son attrait au petit village blotti à ses pieds, c’est grâce à une grande famille polonaise qui s’y est installée au XIXe siècle. Le château des Bastarnay est devenu aussi un des rares musées polonais à l’étranger, accomplissant ainsi les volontés de son acquéreur le comte Xavier Bramcki. Celui-ci, dans l’introduction de son ouvrage Libération de la France par un impôt sur le capital, Paris, E. Dentu, 1871, souligne en effet ce qu’il doit à la France. «La France m’a accordé refuge et protection. Naturalisé français, j’ai connu le bonheur ineffable d’avoir une patrie. Quelques membres de la famille impériale m’ont honoré de leur bienveillance, j‘oserai même dire de leur amitié, sans jamais me demander le moindre sacrifice à l’indépendance de mes idées et de mon caractère». Il est pourtant resté toujours proche de ses compatriotes et a, avec une générosité exceptionnelle, aidé les Polonais émigrés. Ses aspirations politiques ont toujours été teintées d’ardent…

 

LES HÔTES DE TALLEYRAND À VALENCAY

André BEAU

Mon intérêt pour Valençay et le plus illustre de ses propriétaires remonte à plus de soixante ans. Depuis lors, je m’efforce de recenser les hôtes de M. de Talleyrand, devenu propriétaire des lieux en 1803.
Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord est âgé de 49 ans lorsqu’il arrive en Berry pour la première fois. Il y restera propriétaire ou usufruitier durant 35 années. Avec un sérieux intermède de 6 ans lorsque l’Empereur lui impose la charge de geôlier des Infants d’Espagne et, quittant Valençay en août 1808, il n’y reviendra qu’en avril 1816.
Achetée à M. de Luçay pour 1.600.000 francs, la terre de Valençay ne contient guère, alors, que 12.000 ha: les 20.000 ha sont une légende créée de bonne foi par la duchesse de Dino. En effet, cette nièce du prince par alliance confond arpents et hectares lorsqu’elle rédige sa Notice sur Valencay.
Donc, c’est à la fin août 1803, au retour de Bourbon-l’Archambault, là où il soigne son pied malade, que Talleyrand s’arrête en son domaine pour la première fois. Il boite.
Il est accompagné de sa femme, épousée l’année précédente, de Radix Sainte-Foy, ancien surintendant des Finances du comte d’Artois et du comte Philippe de Cobenzl, diplomate allemand. Le premier acte local du ministre Talleyrand, c’est d’accepter le parrainage de la fille du…

 

UN ILLUSTRE ENFANT DE MONTRESOR: MOREAU DE TOURS

Emile ARON

 Jacques-Joseph Moreau naquit à Montrésor le 3 juin 1804. Son père, militaire de carrière, servit la République, puis l’Empire. Il s’amouracha de Françoise Chandellier, fileuse, experte à manier la quenouille… Peut-on imaginer que le chanvre, destiné à être filé, ait pu influencer, dès le berceau, le futur spécialiste du hachisch?

Le couple régularisera son union l’année suivante, le 2 juin 1805. Il eut, en 1808, un second fils, dénommé Paul. Mais le valeureux guerrier, lieutenant et décoré de la Légion d’Honneur, abandonnera le service militaire après Waterloo, se désintéressa de sa famille et se réfugia en Belgique où il enseigna les mathématiques et y finit ses jours.

Les deux enfants, Joseph et Paul, furent recueillis et élevés par leur oncle, Sylvain Moreau, maréchal des Logis à la gendarmerie de Chinon. Joseph, brillant élève du collège de Chinon puis de celui de Tours, désira entreprendre des études médicales. Il fut admis comme élève externe à l’Hospice Général de Tours où il eut la chance d’être, de 1824 à 1826, l’élève de Bretonneau. Prestigieux patron, c’est-à-dire père et modèle, Bretonneau prenait soin de ses disciples. Il était nécessaire d’aller à Paris pour continuer les études médicales et il recommanda Moreau à Esquirol, alors Médecin en chef de la Maison Royale de Charenton traitant les aliénés. La filière Esquirol, dans l’esprit de Bretonneau, assurait le vivre et le couvert à ses élèves pour éviter les difficultés matérielles de la vie parisienne. Esquirol, pionnier de la psychiatrie, observait ses…

 

LA RESISTANCE FRANCO-ANGLAISE EN TOURAINE, EN FRANCE

Maurice BRAUN

 Personne n’a oublié, bien sûr, que le 10 juin 1940 s’est engagé à Tours le débat sur l’Armistice, les avis des différents ministres étant partagés. Les documents dont nous disposons aujourd’hui prouvent que le 17 juin, ce n’est pas un armistice que demandait le Maréchal Pétain, mais directement les conditions de paix.

Cela prouve que dans son esprit il ne pouvait s’agir d’une trêve provisoire, mais bien d’une acceptation durable de la défaite et de la supériorité du vainqueur nazi. Ce qui laissait l’Angleterre seule et démunie face à l’Allemagne hitlérienne.

Après l’écroulement du mur de Berlin, de nouveaux documents sont venus compléter ce que l’on savait déjà de l’état d’esprit d’Hitler, littéralement dépassé par la facilité et l’ampleur de ses victoires. La Meuse avait été atteinte cinq jours plus tôt que prévu quinze divisions, tout le corps expéditionnaire britannique et l’armée belge se trouvaient acculés à la mer, devant Dunkerque, par les divisions blindées de Guderian.

On ne peut donc s’expliquer autrement que par l’ivresse d’une victoire trop rapide, l’étrange ordre d’Hitler à Guderian de stopper son encerclement. Cet ordre resté inexpliqué malgré les tentatives de justification, permit à 250 000 Anglais et à 120 000 Français, Belges, Polonais, de rejoindre la Grande-Bretagne…