Tome XV (Mémoires 2002)

TABLE DES MATIERES

In memoriam Jeanne Bourin (1922-2003)
 par Marcel Girard
La Loire, paysage culturel 
    par Alain Schulé
Emile Zola, peintre et poète du monde paysan 
    par Marcel Girard
 » Réhabilitation  » de Paul-Louis Courier 
    par Jean-Pierre Lautman
Maeterlinck et le château du Coudray-Montpensier 
    par Dominique Franchet d’Esperey
Louis Parrot, la résistance intellectuelle 
    par Jean Chauvin
La Question de la liberté de création dans les  » suites  » littéraires 
    par Hélène Maurel-Indart
Raymond Rollinat: naturaliste et photographe 
    par Jean-Mary Couderc
L’abbé Nicolas Baudeau, un économiste à la veille de la Révolution 
    par Jean David
La presse tourangelle au XXe siècle 
    par Guy Bonnet
Enquêtes sur les graffiti de marins anglais, prisonniers de guerre en France au XVIIIe siècle
    par Luc Bucherie 
La contrebande du sel de part et d’autre de la Creuse 
    par Rolande Collas
La vie et l’oeuvre de René de Buxeuil, Compositeur et musicien aveugle 
    par Sylvie Garnier
Maurice Legrand et les saumons de la Creuse 
    par Jean-Mary Couderc
Pierre Ballue, un paysagiste né en Touraine 
    par Jean-Bernard Sandler
La faïence de Tours (1840-1910): Jean-Charles Avisseau et le souffle de la Renaissance 
    par Danielle Oger
Les gros et les maigres 
    par Pierre Delaveau

IN MEMORIAM JEANNE BOURIN (1922 – 2003)

Marcel Girard

Quand Jeanne Bourin fut appelée à siéger au sein de notre Académie, ce choix s’imposait à plus d’un titre. Nous ne nous sommes pas souciés de savoir si elle était tout à fait tourangelle. En fait, elle est née à Paris, le 13 janvier 1922, fille de Marcel Mondot, haut fonctionnaire, et de Berthe Landereau ; elle y a fait ses études au Lycée Victor-Duruy,
puis à la Sorbonne, où elle a obtenu une double licence de Lettres et d’Histoire. A Tours elle n’a vécu que quelques années, quoiqu’elle ait très souvent fréquenté notre ville. Mais elle a si souvent et si bien mis en scène la Touraine dans son œuvre abondante que de cœur et de rai son nous nous devions de l’intégrer à notre famille locale.

Et puis n’était-elle pas l’épouse de notre confrère André Bourin, qui est un pur enfant de notre cité ? Avec lui elle a formé pendant soixante ans un couple exemplaire, riche de trois enfants, jusqu’au dernier jour de sa longue maladie, le 19 mars 2003. Comme ils avaient élu domicile dans la région parisienne, à Mesnil-le-Roi, ils figurent parmi nos membres comme non résidants. Ensuite voilà qu’on découvre, en lisant La Garenne, que sa famille maternelle est originaire des bords du Loir ! Il s’agit donc bien d’authentiques écrivains de chez nous, et l’Académie de Touraine, aujourd’hui endeuillée, leur ouvre ses bras à part entière.

LA LOIRE, PAYSAGE CULTUREL

Alain Schulé

L’actualité, où la Loire fait florès, nous invite à nous pencher sur ce nouveau concept. L’Unesco, au titre du patrimoine mondial, a commencé, dans les années soixante, à classer séparément des monuments insignes et des sites naturels exceptionnels. Cette dichotomie ne pouvait prendre en compte des espaces où étaient particulièrement réussies les interactions de l’homme et de son environnement. Une nouvelle valeur patrimoniale est alors reconnue par ce nouveau label de paysage culturel. Pour le Val de Loire, la récente reconnaissance est attribuée à un
ruban allant de Sully-sur-Loire à Chalonnes-sur-Loire.

Quelle est la pertinence de ce classement, dans ses limites et dans son contenu ?

Au-delà de ce label, comment la Loire est-elle perçue ?

Que met-on derrière cet hydronyme ?

Nous devons constater que le ruban ainsi défini en longueur et en largeur laisse de côté des éléments très importants du patrimoine. Rappelons que, pour Roger Dion, le Val de Loire s’étend de Nantes à Nevers, et même davantage vers l’amont. On doit aussi considérer que les caractères de la culture ligérienne se retrouvent dans bien des vals
voisins du fleuve. Bref, il convient de dépasser les contours du label pour dégager une vision moins réductrice de notre patrimoine.

Les châteaux apparaissant comme les phares de toute approche vers les berges du fleuve, il importe de relativiser leur importance dans la composante architecturale du paysage culturel ligérien.

EMILE ZOLA, PEINTRE ET POÈTE DU MONDE PAYSAN

Marcel Girard

L’Académie de Touraine s’est associée à la célébration du centenaire de la mort d’Emile Zola. En écrivant « la Terre », le grand romancier a donné de la vie paysanne à son époque une peinture assez proche des réalités tourangelles.

Un siècle après sa mort, la paix règne-t-elle enfin sur l’œuvre et sur la personne d’Emile Zola? Il y a plus de cinquante ans, quand j’osais consacrer une thèse de doctorat à l’univers des Rougon-Macquart, mes professeurs furent consternés de me voir choisir un sujet si peu académique. Zola n’appartenait pas encore au domaine universitaire. Il était, en quelque sorte, un auteur « maudit ». On le trouvait vulgaire, certains le mettaient à peine au-dessus d’Eugène Sue ou Ponson du Terrail. Quant à l’homme même, son intervention dans l’affaire Dreyfus continuait à lui aliéner une partie de l’opinion, tandis que, sur l’autre bord, on ne l’encensait que pour avoir écrit J’accuse. Le grand homme dont on avait transféré les cendres, en 1908, au Panthéon, il est clair que ce n’était pas le romancier: Balzac et Flaubert y auraient eu droit plus tôt que lui. Ainsi peut-on dire qu’en tant qu’écrivain Zola était entré de biais dans la postérité.

Les perspectives ont beaucoup changé. Personne ne conteste plus le courage dont il a fait preuve dans son combat pour la vérité ; et, sur le plan littéraire, il a pris place parmi les principaux romanciers du Xe siècle. On le lit, on l’étudié dans les classes. On analyse, on commente chacune de ses œuvres dans toutes les langues et toutes les uni-

« REHABILITATION » DE PAUL-LOUIS COURIER

Jean-Pierre Lautman

 

On écrit aujourd’hui assez, ordinairement sur les choses qu’on entend le moins. Il n’y a si petit écolier qui ne s’érige en docteur. À voir ce qui s’imprime tous les jours, on dirait que chacun se croit obligé de faire preuve d’ignorance.

Lettre à M. Renouard, libraire sur une tache faite à un manuscrit de Florence
« DIEU M’A CRÉÉ BOURRU »

Personne ne serait assez téméraire pour s’en prendre de front à l’impeccable écrivain que fut Paul-Louis Courier. Toutefois, désireuse de saper ses écrits d’indirecte manière, une tradition vivace et lancinante, véritable vulgate, nous a laissé du percutant auteur de la Pétition aux deux chambres le sombre portrait d’un homme peu recommandable, d’humeur difficile voire franchement détestable: que faut-il en penser?

C’est dans l’océan de l’œuvre de celui dont on commémore cette année le bicentenaire de la naissance que je puise l’élément à partir duquel je vous invite à entrer dans le vif du sujet.

MAETERLINCK ET LE CHATEAU DU COUDRAY-MONTPENSIER

Dominique FRANCHET d’ESPEREY

 

Un bref rappel historique des propriétaires successifs de ce château s’impose, en préambule à ce travail sur Maeterlinck et le Coudray- Montpensier, pour comprendre les raisons qui ont présidé à cette recherche.

Le Coudray remonte au cœur du Moyen Age. Dès le XIe siècle, il eut pour propriétaires successifs, de lignée noble en lignée noble, les familles de Montsoreau, de Marmande, de Sainte-Maure et d’Artois.

Puis, il devint propriété de Louis 1er d’Anjou, fils cadet du roi Jean Le Bon. Cédé en 1400 à la famille de Bournan, par Marie de Blois, épouse de Louis 1er d’Anjou, le Coudray connaîtra une importante campagne de reconstruction.

Le bâtard Louis de Bourbon et son épouse Jeanne de France (fille naturelle de Louis XI) achètent le Coudray aux Bouman en 1482. Ils contribueront à l’extension du château. Ce dernier passe, par le mariage de leur fille, à la famille de Boulainvilliers. Les créanciers de Charles de Boulainvilliers font saisir le Coudray-Montpensier.

Guillaume Poyet en devint propriétaire; il fut l’instigateur de l’Or donnance de Villers-Cotterets, en quelque sorte le précurseur de l’État Civil. Disgracié pour s’être mêlé des intrigues féminines du roi François 1er, ce dernier prend le Coudray-Montpensier et le donne, en 1545, au

LOUIS PARROT, LA RESISTANCE INTELLECTUELLE

Jean CHAUVIN

Dans La Touraine dans le monde des Lettres au XXe siècle, notre collègue et ami Marcel Girard écrit «…Tours n’a pas oublié un autre de ses valeureux enfants, Louis Parrot, mort trop jeune pour avoir donné toute sa mesure… ».

Pas oublié, certes, mais trop méconnu quant à l’importance de son rôle dans la résistance intellectuelle au cours de la seconde guerre mondiale.

Louis-Augustin Parrot est né le 28 août 1906 à neuf heures du soir, au 22, avenue de la Tranchée, Saint-Symphorien, fils de Louis-Jules Parrot et Blanche née Fontaine, son épouse, tous les deux âgés de 26 ans.

L’état civil nous dit que son père était entrepreneur de maçonne rie; c’était probablement une bien petite entreprise; sa mère, sans profession officielle, faisait de petits travaux de couture.

Enfance pauvre ; « Quand il n’y a plus un sou la mère pleure, sa chevelure mal faite, le père tousse et les enfants — il a un frère, Jean, de deux ans plus jeune — en riant sous la chaude et fumeuse lampe à pétrole, découpent de grandes dames de papier dans des cataloges de fleurs ». Ils occupent leurs jeudis sans école à remailler de mauvais sacs de ciment.

LA QUESTION DE LA LIBERTE DE CREATION DANS LES « SUITES » LITTÉRAIRES

Hélène MAUREL-INDART

 

Nous avons tous lu Les Trois Mousquetaires d’Alexandre Dumas, mais pourrions-nous en dire autant de quelques autres romans intitulés: Le Fils de Portos de Paul Mahalin (1883), Les Trois pages de Monsieur d’Artagnan d’Emile Watin (1905) (1), un roman où d’Artagnan a soixante-douze ans. Le Fils de d’Artagnan de Paul Féval fils, dont l’action même se déroule après la mort de d’Artagnan? Savez- vous qu’il existe aussi un Fils de Monte Cristo de Jules Lermina en 1881 (2), et tout récemment, en 2000, a été publié un Retour de Monte Cristo (3) de Michèle Lepage-Chabriais. Comment oublier aujourd’hui de signaler la très tourangelle « suite pantagruélique », commencée depuis 1997 par notre compatriote René Favret (4): après Le Retour de Pantagruel et Les Propos des Bien-Ivres, il a publié en juin dernier son troisième opus rabelaisien intitulé La Vie très mirifique du Grand Pantabuc, fils de Pantagruel qui essaie, en vain, de faire régner le pantagruélisme sur toute la planète. Comme ces auteurs sont souvent restés dans l’ombre, on pourrait en déduire hâtivement que les « suites » de romans célèbres sont des œuvres secondaires. Il est vrai que les trois suites récentes de Madame Bovary n’ont connu qu’un succès d’estime: La Fille d’Emma (5) de Claude-Henri Buffard publiée cette année même. Mademoiselle Bovary (6) de Raymond Jean en 1991 et Madame Homais (7) de Sylvère Monod, en 1987, qui fait débuter son roman là où s’achevait celui de Flaubert, Madame Homais prenant le

RAYMOND ROLLINAT: NATURALISTE ET PHOTOGRAPHE

Jean-Mary COUDERC

 Né à Saint-Gaultier le 2 septembre 1859, décédé en 1931, Pierre André Raymond Rollinat est le cousin du poète Maurice Rollinat. En janvier 1928, dans une célèbre revue berrichonne: Le Gargaillou, Louis Laurian Touraine donnera de lui ce portrait: «Ce sage, mène dans sa maison d’Argentan une vie retirée — tout entière consacrée à l’étude — anachorète d’un autre âge, égaré dans notre siècle trépidant. Et là, sans bruit, sans réclame, avec la modestie et le désintéressement des vrais savants, il poursuit depuis quarante ans, une œuvre de haute portée
scientifique ».


UN NATURALISTE

Ce fut un naturaliste dans les deux acceptions du terme. Physiologiste autodidacte, spécialisé dans la mammalogie et l’herpétologie, largement éthologiste avant la lettre, il a travaillé toute sa vie avec les animaux occupant les bassins et les vivariums de son jardin, ou à partir des collections de son bureau et en particulier de ses animaux naturalisés. Il fut en effet naturaliste au sens de taxidermiste et les animaux qu’il ne pouvait étudier vivants, comme le loup, il les naturalisait.

Cette spécialité relativement étroite dans les sciences naturelles ne l’a pas empêché d’aller étudier les animaux sur le terrain autour de la ville, par exemple les lézards et les serpents sur les coteaux et en particulier dans son jardin du Petit-Nice. Son studieux isolement ne l’a jamais amené à interdire les visites de ses installations — bien au contraire — ou à se retrancher de la vie publique. Il a eu une très grande correspondance avec le monde scientifique (mais dans le cadre de ses spécialités) et a pratiqué des hobbies comme la photographie.

L’ABBÉ NICOLAS BAUDEAU UN ÉCONOMISTE À LA VEILLE DE LA REVOLUTION

Jean DAVID

 La Salle des Mariages de la Mairie d’Amboise, joli vestige de la Renaissance, est ornée de plusieurs toiles d’assez grande surface, de belle facture, représentant d’illustres personnages.

Lorsqu’on pénètre dans cette salle, on trouve, immédiatement sur le mur de droite, un portrait qui, contrairement aux autres, n’attire guère l’attention. il est de petites dimensions. C’est celui d’un ecclésiastique. Son habit est modeste. Mais son air matois et son regard rusé, presque méprisant, n’inspirent pas la sympathie. Il semble que tout le souci du personnage soit de se faire oublier et de demeurer dans le silence qu’il respecte depuis deux siècles. Dans le petit cartouche du pastel, on peut lire ces simples mots: « Nicolas Baudeau. Théologien-Economiste. Né à Amboise. 1730-1792. »

L’inventaire de la ville, dans lequel le portrait de l’abbé Baudeau porte le n°923, nous apprend que ce pastel est du XVIIIe siècle, qu’on n’en connaît pas l’auteur et qu’il a été fait d’après une peinture à l’huile. L’abbé est représenté en buste, de trois-quarts droit. Au dos de la toile, une inscription nous informe que Nicolas Baudeau est né à Amboise le 24 avril 1730; qu’il a été chanoine régulier de l’abbaye de Chancelade dans le Périgord, puis abbé de Saint-Lô (où je n’ai retrouvé aucune trace de lui); qu’il fut ensuite prévôt de Widzinsky en Pologne; et enfin qu’il décéda vers 1792, apparemment en se suicidant par défenestration.

LA PRESSE TOURANGELLE AU XXe SIECLE

Guy BONNET

 La presse du XXe siècle a, naturellement, ses racines dans le XVIIIe et le XIXe siècles et la fin du XIXe siècle est une période importante de l’histoire de la presse française.

Aussi, avant d’aborder l’histoire de la presse en Indre-et-Loire au XXe siècle, il me semble utile de rappeler brièvement quelques événe ments qui ont modifié, en une trentaine d’années, le cadre juridique de la presse et les moyens techniques de fabrication des journaux.

D’abord, un fait d’ordre législatif: le vote de la loi du 29 juillet 1881 par la Chambre des Députés issue des élections de 1877, où les conser vateurs et les monarchistes ont été battus par la gauche républicaine.

Cette loi du 29 juillet 1881 a été votée après trois ans de discussion pour sa mise au point mais sans opposition des conservateurs qui avaient compris qu’elle offrait à tous de sérieuses garanties. C’est une loi qui instaure une véritable liberté de la presse, une loi d’affranchisse ment et de codification.

Je ne peux pas entrer dans le détail des stipulations de cette loi. Sachez seulement qu’elle va entraîner un flux de parutions nouvelles dont le reflux commencera une quinzaine d’années plus tard. L’lndre-et

ENQUETES SUR LES GRAFFITI DE MARINS ANGLAIS, PRISONNIERS DE GUERRE EN FRANCE AU XVIIIe SIÈCLE

Luc BUCHERIE

Parmi les graffiti maritimes, les graffiti linguistiques – par opposition aux graffiti figuratifs – laissés par des marins anglais, prisonniers de guerre en France du XVIIe au XIXe siècle, sont assez spécifiques pour que le chercheur s’y intéresse en tentant de les recouper avec des archives officielles.

En tout historien sommeille un détective et ces enquêtes sur les graffiti des prisonniers de guerre anglais ont été menées dans deux directions, soit à partir de graffiti que nous avons cherché à analyser à la lumière des archives de l’époque, soit au contraire à partir de ces archives qui nous ont conduits à des édifices anciens susceptibles de receler des graffiti étrangers… Cette recherche, commencée il y a presque un quart de siècle à La Rochelle, nous a apporté de nombreuses satisfactions et nous a aussi réservé de nombreuses surprises qui ont souvent ravivé notre intérêt pour ne pas dire notre passion pour un thème d’études encore trop peu connu et qui touche de nombreux domaines.

Depuis la publication, en 1978, de notre Essai d’inventaire des graffiti de la Tour de la Lanterne à La Rochelle, de nouvelles découvertes de graffiti étrangers, tant dans d’autres édifices de la ville (Porte Roya

LA CONTREBANDE DU SEL DE PART ET D’AUTRE DE LA CREUSE

Rolande COLLAS

 Cette étude de la contrebande du sel se situe au sud de la Touraine à la limite du Poitou. Elle s’appuie sur les pratiques du faux saunage entre 1700 et 1790 et concerne en particulier le grenier à sel de la Haye, lequel grenier était situé, selon la tradition, place du Grand Marché, aujourd’hui place Milo-Freslon.

Nous référant essentiellement aux institutions judiciaires (dépôt des Archives départementales d’lndre-et-Loire), nous essayerons de voir en premier comment s’exerçait le commerce du trafic du sel; en second quelles méthodes employait l’administration pour prévenir la fraude; enfin quels étaient les moyens de répression et les sanctions utilisées par l’administration.

Impôt symbole de l’Ancien Régime, la gabelle du sel était inégale et complexe. Inégale dans la mesure où les nobles, les ecclésiastiques, cer taines régions, voire certains « fonctionnaires » des gabelles se trou vaient exemptés ou peu chargés de l’impôt du sel. Complexe car faute d’une législation unifiée et rationnelle le poids des gabelles différait selon les statuts des diverses provinces. Ainsi la Bretagne ne payait que le prix du sel tandis que le Maine, l’Anjou et la Touraine, pays de gran de gabelle étaient durement frappés par l’impôt du sel. Cette inégalité dans la perception de la gabelle explique, sans aucun doute, le ressenti ment de la population à l’égard de cet impôt et l’attrait, pour cette même population, du faux saunage.

LA VIE ET L’OEUVRE DE RENÉ DE BUXEUIL, COMPOSITEUR ET MUSICIEN AVEUGLE

Sylvie GARNIER

 Vous êtes aujourd’hui réunis dans un village qui s’honore d’avoir vu naître trois hommes qui se sont particulièrement distingués par leur art dans leur époque respective: René Descartes (1596-1650), René Boy lesve (1867-1926), et René de Buxeuil (1881-1959).

Des liens étroits semblent unir de façon étrange les trois René, mais je m’attacherai surtout, dans mon propos, à vous présenter René de Buxeuil en établissant quelques concordances, quelques « harmonies » pour employer un terme plus musical, avec son contemporain, l’écrivain René Boylesve dont une association locale défend activement la mémoi re depuis 1951.

L’ENFANCE

1. L’attachement à une terre

Nous avons le plaisir de posséder l’acte de naissance civil et ou religieux des trois René; concernant René de Buxeuil, ils sont conservés dans la vitrine-musée de la Mairie de Buxeuil. René de Buxeuil, de son vrai nom Jean-Baptiste Chevrier, est né le 4 juin 1881 à 6 heures du matin au faubourg Saint-Jacques de Buxeuil, et a été baptisé le lendemain dans la charmante église paroissiale Saint-Pierre.

MAURICE LEGRAND ET LES SAUMONS DE LA CREUSE

Jean-Mary COUDERC

 DEUX RECITS PERSONNELS EN GUISE D’INTRODUCTION

Nous avons découvert le secteur Creuse-Vienne en pêchant l’alose en aval du barrage du Bec-des-Deux-Eaux à partir de 1956. C’est en 1965-66, à Marcilly-sur-Vienne, que nous avons péché et identifié ce qui était un probable hybride d’alose que nous avons publié en 68-70 (1). Ce dernier a été confirmé génétiquement en 1984 par les travaux de M. et Mme Boisneau, biologistes.

Vous comprendrez notre surprise et tout l’intérêt que nous allions y porter lorsque nous découvrîmes chez un bouquiniste, en 1969 ou 1970, un livre intitulé Au fil de l’eau d’un certain Maurice Legrand dont le sous- titre était Souvenirs d’un pêcheur Publié chez Arrault à Tours en 1943, cet ouvrage se révéla l’oeuvre d’un grand pécheur qui habitait à proximité du barrage de l’usine de Descartes aux bords mêmes de la Creuse tourangelle et qui y prenait à la ligne d’énormes saumons (de 15 à 25 livres) et par fois 6 dans une journée, à une époque antérieure à la construction du barrage du Bec-des-Deux-Eaux qui mit fin aux remontées.

Cet ouvrage (2) s’est révélé rare (3) et d’une qualité typographique égale aux grands ouvrages d’Arrault malgré les difficultés de la période. Il est de surcroît très bien écrit, certains passages rappelant la richesse et la précision du vocabulaire de Maurice Genevoix.

A partir de 1970-71, je me suis livré à une difficile enquête sur Maurice Legrand que je ne repris que 30 ans plus tard et qui a été fondée sur quelques indices du premier chapitre intitulé « rétrospections », sur le frontispice: la photographie d’une femme ravissante en tenue de

PIERRE BALLUE

UN PAYSAGISTE NÉ EN TOURAINE

Jean-Bernard SANDLER

 Dimanche 26 mai 2002, à Barbizon, rue Théodore Rousseau, Maître François Péron proposait à une clientèle internationale dont de nombreux collectionneurs américains, sa 25ème vente consacrée à la peinture française de 1830 à 1930.

Dans le lot 123, reproduit au catalogue, sous le titre Arbres en fleurs près du village huile sur toile signée en bas à droite, mesurant 60,5 x 82 cm, tout tourangeau, familier de Descartes, pouvait y reconnaître sa ville et plus précisément la réplique autographe, masse de dimension réduite, de l’important tableau exposé à la mairie.

Ainsi Descartes et la Touraine, grâce au talent du peintre Pierre Ballue, se trouvaient représentés dans ce village proche de Fontainebleau, et dont le nom est connu des amateurs d’art du monde entier. Barbizon! l’École de Barbizon! Symbole de la révolution picturale qui secoua dans les années 1830 l’histoire de l’art.

Gérald Schurr, critique d’art et l’un des premiers avocats qui plaida vers 1970, à une période, rappelons-le, où la modernité n’était déjà plus à l’abstraction mais aux « performances » des artistes, où la culture s’écrivait avec un grand K, où la peinture de chevalet était jugée totalement obsolète, qui plaida donc pour la réhabilitation des maîtres du XIXe siècle, Gérald Schurr écrivait dans sa préface au livre de Claude Marumo, spécialiste de Barbizon et des paysagistes du XIXe siècle, les lignes suivantes:

LA FAIENCE DE TOURS (1840-1910): CHARLES-JEAN AVISSEAU ET LE SOUFFLE DE LA RENAISSANCE

Danielle OGER

 L’exposition Un bestiaire fantastique. Avisseau et la faïence de Tours (1840-1910), depuis 1934 la première consacrée exclusivement à la faïence de Tours, a rassemblé au musée des Beaux-Arts de Tours du 19 octobre 2002 au 13 janvier 2003 – puis, pour partie, au musée national de porcelaine Adrien-Dubouché de Limoges du 5 février au 12 mai 2003 – une sélection de près de 150 pièces, en majorité inédites (1). Élargir au grand public le cercle réduit d’amateurs de cette production semblait un défi, compte tenu de la répulsion affichée par les visiteurs de la « salle du Réalisme » à la vue de ces pièces grouillant de serpents et de crapauds. Comment comprendre les ressorts de la cyclothymique attirance-répulsion dont font l’objet les néo-palissystes de Tours?

Depuis 1974 d’imposantes collections privées, comptant souvent plus d’une centaine de pièces (Hottinger, Lehr, Katz, Horn, Didier Aaron, pour n’en citer que quelques-unes) se constituaient en Europe et aux Etats-Unis. Bien des musées présentaient des pièces de céramique de Tours dans le cadre d’une quinzaine d’expositions, en France (musées du Louvre, des Arts décoratifs, d’Art moderne de la ville de Paris, de la Région Centre, de Saintes, Niort, Agen) et à l’étranger (Etats-Unis à Pittsburgh et New Orleans, Allemagne à Cologne, Hanovre, Darmstadt et Kassel). Au moment où les céramistes néo-palissystes contemporains

LES GROS ET LES MAIGRES

Pierre DELAVEAU

Y a-t-il des obèses en Afghanistan? Les images que diffuse la télé vision n’invitent pas à l’affirmative et, plus directement pour nous, la guerre de 1939-1945 a laissé le pénible souvenir de la faim, le paradigme de la souffrance étant l’état squelettique des déportés des camps d’extermination. A cette époque qui parlait de l’obésité? De nos jours en revanche elle envahit les Etats-Unis et gagne l’Europe.

Comme en contrepoint, l’anorexie mentale frappe les adolescents. Anorexie et obésité sont deux états pathologiques extrêmes avec des situations intermédiaires. Pensons aux femmes dites fortes par euphémisme et politesse et aux gros hommes, à surpoids.

Bien que non spécialiste de ces questions d’actualité, j’ai cédé à l’amicale pression de Monsieur le Doyen Aron, attentif à ces déviations profondes de l’alimentation, qui exigent la veille du corps médical, des éducateurs et d’abord des parents.

Traiter de ces sujets en Touraine prête à évoquer des personnages de Rabelais et de Balzac. En quelques mots, dans Le curé de Tours, celui-ci campe les protagonistes du conflit menaçant: « L’abbé Birotteau, petit homme court, de constitution apoplectique… avait déjà subi plusieurs attaques de goutte. » Non obèse il nous apparaît toutefois pléthorique, mais aussi débonnaire, oubliant la recommandation du bon abbé Chapeloud :